Ce n’est plus comme d’habitude : s’installer à son bureau, tasse de thé ou café à portée de main, lave-vaisselle ronronnant au loin.
C’est pourtant mieux qu’une habitude : s’asseoir dehors, mais pas dans son jardin. Entendre les vaches mugir et savoir que ce sont d’autres vaches que celles de la campagne autrefois aimée, et laissée. Se ressourcer autour de lacs, d’étangs, sur des chemins non tracés, créer des bulles d’immobilité fluide entre chaque traversée. Le plaisir d’écrire est alors décuplé. Il devient intense. Les complications habituelles sont toujours là : comment commencer le texte, comment le poursuivre en étant logique, dans une narration aussi limpide que possible, trouver des idées fortes, originales, des images, le « cinéma intérieur » à raconter au fil des pages... Garder le point d’ancrage permettant d’entamer une suite de chapitre, ou un nouveau chapitre... S’habituer aux nouveaux bruits, aux nouveaux sons, parfois dérangeants comme ce mugissement que je sens désespéré d’une vache au loin, j’y reviens, désolée, beaucoup de bétail autour de nous, dans une contrée de viande alors que nous sommes de bons végétariens depuis longtemps, et j’ai tendance à imaginer le pire, toujours... Un chien qui aboie toute la nuit... Une vague qui mugit et mugit, non, une vache qui mugit, je ris de la coquille que je laisserai. Donc écrire en itinérance : ça rafaîchit, ça bouscule, ça oblige à se transformer, ça nous transforme, et bien entendu, comme toute transformation, ça ne se fait pas en un jour. Pour l’instant, notre itinérance ressemble à des vacances estivales. Plus d’un mois bientôt, en roulotte, on me dira que c’est confortable, mais... oui et non, tout dépend par quelle fenêtre on regarde les lieux. Plus de vrai chez nous ? Oh si, au contraire. Chez nous en soi. Le soi qui ne dépend pas de murs mais de sensations, d’émotions. Seule la conscience de la sensation importe, écrivait le poète Pessoa. Ce n’est plus tant une écriture cérébrale qu’une écriture de tout le corps appelée, voulue, un lâcher d’amarres. Après des années d’ancre posée en terre inhospitalière. Quand j’étais aidante. Ces années que je n’oublierai jamais et qui feront sans doute l’objet d’un texte encore en jachère, tout est trop proche, trop brutal encore. Cette terre me nourrit de nouveau. Je m’y abreuve. Je repars de zéro.
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Auteurs : Anouk Journo, écrivain, traductrice, formatrice, et Michel Foucher dessinateur photographe accompagnés de Piou le chat et Pogo le chien Beagle.Un espace pour échanger nos découvertes, au fil d’un voyage itinérant en caravane, d'abord en France, et ensuite, où le vent nous mènera... Archives
Août 2021
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